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Terres rares 2025 : l’Afrique entre l’étau chinois et le bras de fer américain
October 27, 2025 at 11:00 PM
by Cl.Custinne/Sources 2025
12:09:25 imag blog .png

🌍 Terres rares : l’Afrique à la croisée des routes, entre contrôle chinois et riposte américaine

🔎 Pourquoi octobre 2025 change la donne

En octobre 2025, Pékin a considérablement élargi son dispositif de contrôle des exportations lié aux terres rares : ajout de nouveaux éléments à licence, extension aux équipements, réactifs et technologies, et surtout clauses extraterritoriales visant des produits élaborés hors de Chine mais contenant des intrants d’origine chinoise. Autrement dit, nombre d’acteurs en aval (magnets, composants, assemblages) basculent sous licence MOFCOM. cms-lawnow.com+4The Guardian+4IEA+4

Côté américain, la réponse s’organise autour de trois axes :

  1. l’usage élargi des tarifs Section 232 pour motifs de sécurité nationale,
  2. la constitution/renforcement de stocks stratégiques (programme DoD autour du milliard de dollars évoqué en octobre),
  3. des cadres bilatéraux pour sécuriser l’accès (cadre États-Unis–Australie du 20 octobre). sullcrom.com+4dwt.com+4Carbon Credits+4

Signal plus nuancé en fin de mois : un « truce » technique a gelé certaines hausses tarifaires et parties des nouvelles restrictions, ce qui a aussitôt fait reculer les cours boursiers du secteur — preuve que la chaîne mondiale reste hyper-sensible aux annonces croisées. Mais ce répit n’annule ni les contrôles déjà promulgués ni l’incertitude réglementaire. Reuters

Ce que cela révèle : la valeur se concentre de plus en plus dans la séparation chimique et la fabrication d’alliages/magnets, là où les barrières techniques, réglementaires et de conformité sont les plus élevées. Argus Media

🧭 L’Afrique : sortir du rôle d’exportateur de concentrés

Votre intuition est juste : le continent est riche en gisements, mais l’arbitrage n’est plus « mine vs export », c’est « mine + séparation + aimants ». Plusieurs projets avancent et ancrent le potentiel :

  • Makuutu (Ouganda) – dépôt d’argiles ioniques (IAC) rares hors Chine ; capex initial modéré, profil “heavy REO” sur longue durée de vie. Décision d’investissement finale en préparation selon l’opérateur. Mining Weekly+2Deep Earth Int+2
  • Ngualla (Tanzanie) – NdPr de haute teneur ; montée en puissance prévue, avec participation étatique et intérêt de Shenghe côté chinois. Discovery Alert+1
  • Songwe Hill (Malawi) – projet de Mkango avec schéma mine en Afrique + séparation en Pologne + recyclage magnétique HyProMag (R.-U./UE/US). mkango.ca+1
  • Phalaborwa (Afrique du Sud) – re-traitement de résidus phosphogypse (Rainbow Rare Earths) ; projet devenu un enjeu géopolitique dans la relation Washington–Pretoria. Rainbow Rare Earths+1
  • Steenkampskraal (Afrique du Sud) – teneurs parmi les plus élevées au monde ; phases industrielles relancées en 2025. steenkampskraal.com+2Mining Weekly+2

À l’horizon 2034, Fitch anticipe que l’Afrique pourrait fournir ~7 % de la production mondiale de terres rares — surtout Afrique australe et orientale. C’est modeste face à la domination chinoise, mais suffisant pour peser si la séparation et les aimants se localisent (au moins en partie) sur le continent. Ecofin Agency

⚙️ Le vrai verrou : la chimie de séparation et la « bancabilité »

Monter dans la chaîne de valeur suppose trois couches d’exigences :

  1. Techno-industriel. Concevoir et opérer des unités de lixiviation/extraction par solvants multi-espèces avec constance de qualité (impuretés, radioactivité, ESG). C’est le cœur du savoir-faire captif chinois, désormais sous licence et contrôle étendu. The Guardian
  2. Réglementaire & conformité. Traçabilité bout-en-bout, audits, règles d’export extraterritoriales (côté Chine) et normes d’import côté États-Unis/UE ; des clauses “trace content” peuvent rendre inéligibles des oxydes s’ils intègrent un intrant chinois. IEA+1
  3. Financement. Pour lever la dette de projet, il faut des offtake notés, des garanties (DFC/DFIs), et un cadre politique stable. Les initiatives américaines (stocks stratégiques, cadres bilatéraux, 232) et alliées visent justement à dé-risquer l’amont non-chinois. Carnegie pour la paix internationale+2The White House+2

🧩 Stratégie pratico-pratique pour des États africains (et leurs partenaires)

  • Séparer où l’on extrait (quand c’est pertinent). Installer au moins une étape de séparation (mixte ou partielle) in-country pour capter la prime prix/qualité et prouver la traçabilité “non-Chine”. Hubs régionaux (Australe, Est) à étudier. Argus Media
  • Normes et données. Mettre en place des protocoles de traçabilité (chaîne de custody, isotopie quand applicable) et des audits ESG compatibles défense/automobile/éolien. Demain, c’est la data-qualité qui vendra l’oxyde. gmfus.org
  • Alliances industrielles. Aller au-delà des MoU miniers : viser des joint-ventures de séparation/magnets, et des offtakes indexés NdPr + clauses de performance. Les cadres US-Australie ou EU-Afrique peuvent être utilisés comme levier. The White House+1
  • Capitaux patient & garanties. Structurer des tours mêlant capitaux publics (DFIs), garanties d’enlèvement (OEMs, AIMANTS), et dispositifs de stock stratégique (prix plancher/portage). Les annonces américaines d’octobre (stockpile) vont dans ce sens. Carbon Credits+1

📊 Ce qu’on peut raisonnablement attendre (2025-2034)

  • Part de marché africaine en hausse mais encore limitée (ordre de grandeur ~7 % d’ici 2034), avec des poches de spécialisation (NdPr en Tanzanie, IAC en Ouganda, re-traitement en Afrique du Sud, chaîne “mine-UE” via le Malawi/Poland). Ecofin Agency+1
  • Volatilité réglementaire persistante (contrôles/export chinois, murs tarifaires 232 possibles, trêves ponctuelles), ce qui augmente la valeur des chaînes certifiées “China-light/China-free”. dwt.com+1
  • Concurrence sur les actifs africains. Appétit renforcé d’acteurs chinois (ex. prise(s) de participation autour de Ngualla), pendant que l’Occident tente de sécuriser des offtakes et des capacités de séparation. Reuters

⚠️ Les angles morts à surveiller

  • Risque d’enclavement “licences” : la clause d’extraterritorialité chinoise peut “contaminer” des chaînes supposées alternatives si un réactif, un équipement ou un semi-produit a une empreinte chinoise. IEA
  • Capex d’épuration : traiter thorium/uranium, contrôler les effluents et tenir le SPC qualité pèse lourd. Sans contrats clients en bonne et due forme, la dette de projet devient difficile. Argus Media
  • Dépendance aux cycles politiques : variations d’aides/DFIs et crispations diplomatiques (ex. Phalaborwa dans la brouille US–Afrique du Sud) peuvent freiner la clôture financière. The Washington Post

✅ Conclusion — Devenir “indispensable” plutôt qu’“immanquable”

L’Afrique peut convertir son potentiel géologique en pouvoir de marché, à condition de déplacer la valeur du front de taille vers le laboratoire : séparation, aimants, et preuves de conformité. La fenêtre est ouverte par l’affrontement réglementaire Chine–États-Unis, mais elle exige discipline industrielle, traçabilité et alliances qui verrouillent la bancabilité.

En bref : qui maîtrise la chimie et la conformité des terres rares maîtrise la négociation. Le continent peut y parvenir — pas en vendant des concentrés, mais en vendant de la certitude.

Sources clés (sélection consultable)